N°4 LE PETIT PRINCE
d'Antoine de Saint-Exupéry (1943)
S'il vous plaît, dessine-moi un chef-d'œuvre. S'il vous plaît, dis-moi qui est numéro 4 du « Dernier Inventaire ».
Le Petit Prince d'Antoine de Saint-Exupéry (1900-1944) est le seul conte de fées du XXe siècle. Au xviie, on a eu les contes de Perrault; au XVIIIe, les contes de Grimm ; au xixe, les contes d'Andersen. Au XXe siècle, on a Le Petit Prince, un livre écrit par un aviateur français exilé aux États-Unis entre 1941 et 1943, qui fut d'abord publié là-bas avant de paraître en France en 1945, un an après la mort de son auteur. Depuis sa parution, ce petit livre illustré est un phénomène d'édition qui se vend chaque année à des millions d'exemplaires dans le monde entier.
Pourquoi? Parce que, sans le faire exprès, Antoine de Saint-Exupéry a créé des personnages immédiatement mythiques : ce petit prince tombé de sa planète B 612 qui réclame un dessin de mouton à un aviateur égaré dans le désert; cet allumeur de réverbères qui dit tout le temps bonjour et bonsoir; ce renard philosophe qui veut qu'on l'apprivoise... et qui fait comprendre au petit Prince qu'il est « responsable de sa rose ».
Ce conte aurait pu s'intituler « A la recherche de l'enfance perdue ». Saint-Exupéry y fait sans cesse référence aux « grandes personnes » sérieuses et raisonnables, parce qu'en réalité, son livre ne s'adresse pas aux enfants mais à ceux qui croient qu'ils ont cessé d'en être. C'est un pamphlet contre l'âge adulte et les gens rationnels, rédigé avec une poésie tendre, une sagesse simple (Harry Potter, rentre chez ta mère!) et une feinte naïveté qui cache en réalité un humour décalé et une mélancolie bouleversante.
On pourrait dire que Saint-Exupéry est un Malraux humble et Le Petit Prince une sorte de E.T. blondinet, ou une Alice de Lewis Carroll au masculin (avec la même fascination trouble pour les paradis de l'enfance). Comme beaucoup de grands écrivains précités, Saint-Ex refusait de vieillir et d'ailleurs Le Petit Prince fut prémonitoire. Quelques mois après sa publication, l'aristocrate insista, à 44 ans, pour partir en mission de reconnaissance au-dessus de la Méditerranée et disparut, comme son petit personnage. On ne retrouva l'épave de son Lockheed P 38 Lightning de type J modifié en F5B qu'il y a quelques mois. Quand on relit la fin du conte :« Soyez gentils, ne me laissez pas tellement triste : écrivez-moi vite qu'il est revenu... », on s'aperçoit que Le Petit Prince est un bouleversant testament.